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Nr. 00267- Oct. 1st., 2024 – Weekly Newspaper devoted to Science & Technology in Africa ** Pour la promotion de l'esprit scientifique en Afrique

Le mécanisme REED+ en Afrique centrale: Enjeux et défis pour les États

Image associéeL’Afrique centrale joue un rôle essentiel dans les services écologiques mondiaux, du fait qu’elle abrite la deuxième plus grande superficie au monde de forêts tropicales et aussi la plus grande biodiversité du continent. Bien que les taux de déforestation forestière soient assez faibles en Afrique centrale en comparaison de ceux des forêts néo tropicales et des forêts tropicales du sud de l’Asie, les pressions anthropiques menacent sérieusement la diversité et les valeurs de ces forêts, en particulier les forêts de production. Cette imbrication des enjeux environnementaux, économiques et de développement a conduit la communauté internationale à se mobiliser en vue de protéger les services écosystémiques rendus par ces forêts, en particulier le service de régulation du cycle du carbone mondial. Ainsi donc, pour encourager et aider ces pays d’Afrique centrale à protéger ce patrimoine mondial, l’opportunité leur est donnée d’être « récompensés » financièrement à travers le mécanisme REDD+ qui prend en compte la conservation, la gestion forestière durable et l’augmentation des stocks de carbone.

II. LA GESTION ECOSYSTEMIQUE DES STOCKS DE CARBONE ET LE SECTEUR ECONOMIQUE

D’après le rapport Stern sur l’économie du changement climatique, la prise en compte du mécanisme REDD+ dans les pays en voie de développement en particulier, est une option d’atténuation significative, susceptible de générer des réductions d’émissions importantes à un coût relativement bas (Stern, 2007). Par conséquent, l’utilisation de l’ensemble des options d’atténuation des différents secteurs de l’économie (Chénost et al., 2010) n’est pas sans intérêt, bien au contraire. Et parmi les secteurs économiques en Afrique centrale à même de jouer un rôle important dans la REDD+, nous pouvons citer le secteur de la sylviculture (foresterie, agroforesterie…).

L’exploitation forestière par exemple, du moins l’exploitation sélective des forêts telle que pratiquée dans la plupart des pays du bassin du Congo, est perçue à la fois comme un facteur direct et indirect de dégradation, car sans la création d’infrastructures certaines zones demeureraient intactes. Mais elle peut constituer, sous réserve qu’elle soit durable, un outil de lutte contre la déforestation et la dégradation garantissant le maintien à long terme des stocks de carbone (Langevin, 2012). Ceci signifie que les acteurs du secteur forestier, et notamment les sociétés forestières dont les concessions couvrent environ 18 millions d’ha de forêt dans le bassin du Congo, peuvent jouer un véritable rôle dans le développement économique avec une faible empreinte de carbone par le suivi et la gestion des stocks de carbone adaptés aux dimensions de leur entreprise (Lafon et al., 2010). Mais cela nécessite un support scientifique et technique pour accompagner cette décision.

III. LES GESTIONNAIRES DU SECTEUR FORESTIER ET LE DEFICIT EN OUTILS TECHNIQUES CLES DU MECANISME REDD+

Dans la région du bassin du Congo, de grandes étendues de forêts ont été inventoriées par les sociétés forestières dans le cadre des plans d’aménagement afin d’estimer les volumes de bois mais également la biodiversité faunique et floristique (Van Vliet, 2004). L’utilisation d’un jeu de données aussi large, initialement réalisé à des fins industrielles, dans le cadre de la recherche en écologie, a été faite par plusieurs études dans la région (Van Vliet, 2004 ; Rejou-Mechain, 2009 ; Rejou-Mechain et al., 2011 ; Sylvie-Gourlet et al., 2011 ), et est adaptée aux mécanismes REDD+. Elle se base sur l’analyse d’inventaires forestiers dont certaines caractéristiques biophysiques des arbres sont liées à leur contenu en carbone par des équations allométriques (Lambert et al., 2005). Les équations allométriques sont l’élément essentiel de cette méthode (Návar, 2009).

Une équation allométrique est une équation prédisant le volume ou la biomasse sèche d’un arbre à partir de caractéristiques dendrométriques plus faciles à mesurer (Picard et al., 2012). Longtemps les gestionnaires forestiers ont estimé la biomasse grâce à des équations combinant des équations de volume total ou partiel, la densité du bois et un facteur d’expansion de la biomasse ou BEF. Cette utilisation d’équation de volume combiné à des facteurs d’expansion ne semble pas appropriée pour estimer les stocks de carbone forestier. Car de l’utilisation du BEF, il ressort une surestimation de la biomasse du fait de différentes valeurs estimées de ce paramètre. L’utilisation des équations allométriques de la biomasse d’arbre peut donc être considérée comme une meilleure approche pour quantifier et suivre les stocks de carbone forestier.

IV. MECANISME REDD+ : CE QUE PEUVENT FAIRE DE PLUS LES ETATS D’AFRIQUE CENTRALE

Aujourd’hui, des équations allométriques pantropicales d’estimation de la biomasse (e.g. Chave et al., 2005 ; Chave et al., 2014) sont abondamment utilisées en Afrique centrale à défaut des équations de biomasse locales appropriées (taille de l’échantillon, gammes de diamètres et d’espèces). Toutefois, l’utilisation d’équations allométriques locales adaptées aux différents types de forêts est recommandée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Mais élaborer des équations allométriques en procédant à des mesures destructives de biomasse sur un échantillon d’arbres, aurait un coût financier très important pour la plupart des porteurs de projet REDD+ au niveau local. Pour donner une réponse à ce type de préoccupation, il faut construire des équations allométriques adaptées aux différents types de formations végétales pour l’ensemble des pays de la région. Aujourd’hui, c’est ce qu’a décidé de faire la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) au travers le Projet régional de renforcement des capacités institutionnelles en matière de REDD+ pour la gestion durable des forêts dans le Bassin du Congo (en abrégé ci-après PreREDD+). Ce projet vise à définir des équations allométriques pour l’Afrique centrale.

Mais au-delà de cette initiative collective, des initiatives nationales de chaque pays forestier du bassin du Congo sont encouragées afin de montrer l’intérêt et la volonté à développer des mécanismes nationaux en phase avec les bonnes pratiques du processus REDD+ éditées par le GIEC. Ces pays devraient pour ainsi dire poursuivre le travail amorcé par la COMIFAC, mais à une échelle plus locale, ce afin d’aider à mettre en place des outils techniques adaptés aux besoins des porteurs de projet REDD+.

En République du Congo par exemple, l’état des lieux des équations allométriques établies en forêt naturelle n’a permis de mettre en évidence aucun travail scientifique sur des équations allométriques qui répondent aux exigences du mécanisme REDD+. Les seules équations allométriques qui existent sont restreintes à quelques espèces de plantations avec des échantillons réduits. Dès lors, il subsiste un déficit patent d’outils adaptés aux besoins des porteurs de projet REDD+, ce qui justifie, entre autres, l’établissement d’équations allométriques d’estimation de la biomasse en forêt naturelle au Congo.

V. CONCLUSION

Face aux voix qui s’élèvent pour attirer l’attention sur la conservation des forêts du bassin du Congo, les six pays forestiers du bassin concerné (du moins pour la plupart) se sont engagés à coordonner leurs efforts au niveau régional pour la conservation et la gestion durable de leurs forêts au travers le mécanisme REDD+. Mais cette initiative collective ne devrait pas occulter les efforts de chaque pays à s’investir pleinement au niveau local, jusqu’à intéresser tous les secteurs économiques locaux au projet REDD+, en particulier les acteurs du secteur forestier. Pour ce faire, un effort supplémentaire serait consentit en aidant à mettre à la disposition de ces gestionnaires forestiers un instrument adapté à leur projet REDD+. C’est-à-dire des modèles précis d’allométrie des arbres (pour toutes les strates forestières), l’outil commun à toutes les techniques d’évaluation de la biomasse et des stocks de carbone forestier. La mise en place de tels outils techniques clés répondant aux exigences du mécanisme REDD+ devrait être considérée comme un signal fort, et attirerait sans aucun doute des porteurs supplémentaires de projet REDD+.

BIBLIOGRAPHIE

Chénost, C., Gardette, Y.M., et Demenois, J. (2010). Les marchés du carbone forestier. UNEP, ONFi, AFD, BioCF. 172p.

Lafon, C., Mugnier, A., Bayol, N., et Cassagne, B. (2010). La gestion et le suivi des stocks de carbone et des émissions associées dans les concessions forestières en Afrique Centrale. Monitoring Forest Carbon Stocks and Fluxes in the Congo Basin. 159 p.

Lambert, M. C., Ung, C. H., and Raulier, F. (2005). Canadian national tree aboveground biomass equations. Canadian Journal of Forestry Research 35:1996–2018.

Langevin, C. (2012). Le mécanisme REDD+ : synthèse à l’usage des concessionnaires forestiers en Afrique centrale. CIFOR, TEREA, programme FORAFAMA. 25 p.

Návar, J. (2009). Allometric equations for tree species and carbon stocks for forests of northwestern Mexico. Forest Ecology and Management 257, 427–434.

Picard N., Saint-André L. & Henry M. (2012). Manuel de construction d’équations allométriques pour l’estimation du volume et la biomasse des arbres: de la mesure de terrain à la prédiction. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, et Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, Rome, Montpellier.

Rejou-Mechain, M. (2009). Origines de la structuration spatiale des communautés d’arbres en forêt tropicale : Approches multi-échelles en Afrique centrale. Thèse de doctorat, Université de Montpellier II, France, 215 p.

Rejou-Mechain, M., Fayolle, A., Nasi, R., Gourlet-Fleury, S., Doucet, J. L., Gally, M., et al. (2011). Detecting large-scale diversity patterns in tropical trees: Can we trust commercial forest inventories ? Forest Ecology and Management, 261, 187-194.

Stern, N. (2007). Stern Review: The Economics of Climate Change. 576 p.

Sylvie Gourlet-Fleury, Vivien Rossi, Maxime Rejou-Mechain, Vincent Freycon, Adeline Fayolle, Laurent Saint-Andre´, Guillaume Cornu, Jean Gérard, Jean-Michel Sarrailh, Olivier Flores, Fidèle Baya, Alain Billand1, Nicolas Fauvet, Michel Gally, Matieu Henry, Didier Hubert, Alexandra Pasquier and Nicolas Picard (2011). Environmental filtering of dense-wooded species controls above-ground biomass stored in African moist forests. Journal of Ecology 2011, 99, 981–990

Van Vliet, N. (2004). Abondance et mode de distribution des céphalophes en fonction des caractéristiques du milieu. Mémoire de DEA « Environnement et paysage ». 190 p.

Auteur: Géraud Sidoine Mankou, Laboratoire de Botanique et Ecologie végétale, Faculté des Sciences et Techniques, Université Marien NGOUABI (UMNG). BP : 69, Brazzaville Congo.
Tél. : +242 06 699 64 81
E-mail : geraud_h@yahoo.fr

Titre original de l’article: «LE MECANISME REDD+ EN AFRIQUE CENTRALE : QUEL DEFI ACTUEL POUR LES ETATS ?».

Source de la photo: http://www.professeur-noyau.net/ecolo/biomes.html

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