Face au projet de recolonisation de l’Afrique, une résistance de la société civile africaine est-elle possible?
Sur notre Forum, nous avons reçu la semaine dernière le message ci-après. Parce qu’il est intéressant à plus d’un titre, nous avons sollicité le point de vue d’un de nos membres sur le sujet. Bonne lecture!
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Message reçu le 5 février 2014
« Chacun, à sa manière et dans son domaine de compétence devrait organiser la résistance pour que le Cameroun et les autres pays africains ne soient plus recolonisés. Rappelons-nous qu’il y a de cela quelques mois seulement, la Centrafique était un pays pauvres, avec une très fréquente alternance à la tête du pays par des coup d’États sans massacres. Un pays où Chrétiens et Musulmans vivaient ensemble comme au Cameroun, sans grands heurts. Le degré de barbarie que vit la RCA aujourd’hui (et qu’ont vécu la Côte d’Ivoire, le Mali et la Libye très récemment) est la preuve que nos esclavagistes d’hier peuvent à tout moment provoquer l’extermination de notre peuple sans aucun remord, tant que cela sert leurs intérêts économiques. Il nous revient de résister et de dénoncer les collabos au sein de notre peuple qui préparent le terrain pour l’invasion des prédateurs ».
Questions / Réponses:
La société civile nationale des États africains est-elle aujourd’hui capable de produire une résiste qualitative face à la machine impérialiste?
La réponse est la négative. Ceci du fait du phénomène du sur-pouvoir longtemps expliqué en sociologie politique. Les gouvernements africains étant pour la plupart des (super)structures échappant au contrôle du peuple, tirant l’essentiel de leurs moyens de fonctionnement de la rente et des ressources de l’extraversion, il y a fort à douter que le peuple militant puisse remporter la moindre bataille contre des élites du pouvoir définitivement affranchis de l’impôt du contribuable. Servant pour la plupart les intérêts exogènes, lesdites élites et leurs gouvernements généralement pléthoriques sont en réalité le prolongement périphérique de l’administration coloniale centrale. Le rapport de force au niveau national de chaque État est définitivement en la défaveur du peuple militant.
Si ce n’est au niveau national de chaque État, pourrait-on imaginer une résistance panafricaine?
Non plus. La récente sortie de l’ancien président de la Commission de l’Union Africaine l’atteste clairement. L’Union Africaine est une institution périphérique donc la principale mission est le maintien des frontières issues de la (de)colonisation européenne. Disposant d’un corps de fonctionnaires comparables aux élites du pouvoir des États de la postcolonie, cette institution est au service des intérêts étrangers au continent. L’Union Africaine sert d’instance de légitimation des décisions prises au niveau des institutions internationales occidentales. Elle est impuissante face au grands dossiers africains: la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, la crise malienne, la RDC, la RCA, etc. L’Afrique des peuples militants ayant donc à sa tête une (super)structure comme l’Union Africaine, aucune résistance qualitative n’est concevable.
Si ce ne sont les forces africaines du continent, l’Afrique peut-elle au moins compter sur sa diaspora?
Non plus ! Encore faudrait-il que l’on précise de quelle diaspora on parle. En effet, l’Afrique de la diaspora est une construction. Elle est quasi-imaginaire. Parlant plus précisément des personnes issues de l’Afrique au sud du Sahara et vivant aujourd’hui dans les États de l’hémisphère nord, il serait mieux indiqué de parler d’une diaspora des communautés ethniques africaines. L’entité que l’on présente généralement comme étant les Africains de la diaspora, ceux-là justement de qui on attend une quelconque résistance face à l’impérialisme occidental, n’est en réalité qu’un « conglomérat » de Bakongo, de Baluba, de Baoulé, de Haoussa, de Bamileké, de Beté, de Dioula, etc. pompés hors de leur société d’origine par les conditions économiques ou politiques intenables. Ces personnes ne s’identifient que très peu à un quelconque État, et limitent généralement leurs initiatives communautaires à la création des associations ethniques à Paris, New York, Washington, Frankfurt, Tokyo, etc. Il serait illusoire d’attendre une résistance d’un tel corps social.
M.C.
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