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Nr. 00265- 9th Jan. 2024 – Weekly Newspaper devoted to Science & Technology in Africa ** Pour la promotion de l'esprit scientifique en Afrique

Financement de l’éducation: Les États africains préfèrent les armes au matériel scolaire

Afin de bien comprendre l’importance du sujet, nous vous proposons le constat suivant:

« La scolarisation est en hausse dans l’enseignement primaire, mais pas suffisamment pour garantir que tous les enfants termineront un cycle complet d’ici 2015. Pour atteindre cet objectif, le nombre de nouveaux instituteurs dont aura besoin l’Afrique subsaharienne d’ici à 2015 équivaut à la totalité du corps professoral actuel de la région ».

Source : Nations Unies, http://www.un.org/fr/millenniumgoals/education.shtml, 23 Aout 2011

Peut-on établir un rapport entre les dépenses d’éducation et le taux d’alphabétisation dans les pays africains? Quel est le part du produit intérieur brut (PIB) investi dans l’éducation des citoyens? Les dépenses militaires devraient-ils primer sur celles de l’éducation? Telles sont les questions qui nous poussent à nous intéresser à la manière avec laquelle les États africains utilisent l’argent du contribuable, en jetant un regard comparatif sur deux  secteurs tous prioritaires.

Beaucoup d’études menées sur la science et son financement en Afrique (voir: Africa & Science du 14/06/2011) montrent que la recherche, malgré son rôle capital pour le développement durable, occupe une place marginale dans les allocations gouvernementales. Une situation criarde qui laisse pousse à s’interroger sur l’importance qu’accordent les pouvoirs publics africains à l’éducation du citoyen, étant donné que l’enseignement se nourrit essentiellement des résultats de la recherche. Pour mieux comprendre l’enjeu et l’intérêt de la recherche scientifique dans un pays en développement, certains indicateurs tels la formation, l’alphabétisation, l’accès aux médias et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont à évaluer attentivement. L’éducation étant la base de ces indicateurs et un puissant instrument pour la réduction de la pauvreté, il s’avère nécessaire d’observer les budgets de certains États africains (choisis à titre indicatif) et le pourcentage du PIB alloués à l’éducation. En plus, la réalisation de l’objectif d«éducation pour tous» définie lors du «World Education Forum» à Dakar en 2000 nécessitant une forte volonté politique, l’on peut aisément comprendre le retard accusé dans la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement.

Tableau: Dépenses des États africains pour l’éducation et la défense par rapport au PIB et le taux d´alphabétisation

États PIB en Millions US$ (2010) Dépenses militaires% du PIB (2009) Dépenses d´éducation% du PIB Taux d´alphabétisation (% des jeunes de 15-24 ans) (2009)
Ghana 31.306 0,4 5,4 (2005) 80,1
Kenya 31.409 1,9 7,0 (2006) 92,7
Éthiopie 29.717 1,3 5,5 + 44,6 #
Côte d´Ivoire 22.780 1,6 # 4,6 # 66,6
Afrique du Sud 363.704 1,4 5,4 (2009) 97,6 +
Nigéria 193.669 0,9 0,9 (1991)* 71,8
Cameroun 22.394 1,5 3,7 (2009) 83,1 +
Sénégal 12.954 1,6 # 5,8 (2009) 65,0
Botswana 14.857 3,1 8,9 (2009) 95,2
Angola 84.391 4,2 2,6 (2006) 73,1

Sources: PIB, dépenses militaires et dépenses d’éducation: Banque Mondiale

# Année 2008 ;  + Année 2007

* Source: http://www.statistiques-mondiales.com/nigeria.htm

Ce tableau montre qu’en dehors de l’Angola (qui consacre 4,2 % de son PIB aux dépenses militaires et seulement 2,6 % à l’éducation) et du Nigéria (dont le budget de la défense est égal à celui d´éducation (0,9 %)), les dépenses de l’éducation des autres États présentés sont supérieures à celui de l’armée. En 2009 l’Afrique du Sud consacrait 5,4 % de son PIB à l’éducation et avait un taux d’alphabétisation assez élevé chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, à savoir 97,6 %. Avec un taux d’alphabétisation de 95, 2 % chez les jeunes, le Botswana allouait en 2009 8,9 % de son PIB à l’éducation et 3,1 % aux besoins militaires. Ce qui signifierait une prise de conscience grandissante du rôle de l’éducation dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale chez les politiques. L’Éthiopie consacre 5,5 % du PIB à l’éducation et seulement 1,3 % à l’armée et dispose cependant d’un taux d’alphabétisation des jeunes assez faible (44,6 %). Les raisons doivent être analysées de près.

Malgré cette prise de conscience de l’importance de l’éducation, seuls le Botswana et le Kenya consacrent plus de 6 % de leurs PIB à l’éducation de leur population. Un tel financement reste insuffisant si on considère le nombre de ces jeunes qui ne terminent pas leur cursus scolaire et menacent de finir dans l’«analphabétisme fonctionnel» à l’ère de la modernité.

Même si le pourcentage du budget alloué à la défense par les États africains reste inférieur à 5 %, les défis de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche par rapport à la défense (qui est aussi un secteur non négligeable de l’État) sont à prendre en considération par les pouvoirs publics. En tout temps, le secteur de la défense ne devrait pas hypothéquer l’éducation et la formation des citoyens. Car le faible financement de l’éducation a des répercutions négatives sur la recherche scientifique, force motrice des sociétés en dévéloppement.

Source:

Image des fournitures scolaires: fr.fotolia.com ; Image du matériel militaire: six Soviet 122mm BM-21 multiple rocket launcher systems, available at: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:BM-21Ural-375D.jpg?uselang=fr

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Auteure:

Florence Tsagué Assopgoum
Politologue
Université de Siegen

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